Interview: la parole à Cap Métiers sur le Serious Game

Morgane MORIN

Happy Content Manager.

En rejoignant l'équipe de Spiral, Morgane conjugue son dada pour l'écriture et sa formation en communication digitale. Ancienne journaliste et "maniaque de la grammaire" revendiquée, c'est ici qu'elle vous donne rendez-vous toutes les semaines pour partager le savoir-faire de l'agence. Faire d'une passion sa profession, c'est ça l'esprit Spiral!

Temps de lecture : 9 min

23 février 2022

Agence régionale pour l’orientation, la formation et l’emploi, Cap Métiers Nouvelle Aquitaine propose une large offre d’informations sur l’orientation. Projet de formation, évolution professionnelle ou reconversion, son offre riche se positionne sur une approche « métier », en lien avec les besoins économiques de la région Nouvelle-Aquitaine. A l’occasion de la préparation d’une exposition sur les métiers du numérique, Cap Métiers a sollicité les services de Spiral communication pour mettre en place un serious game en 2018. Olivier Maurice, aujourd’hui directeur de la communication et de l’attractivité des métiers, revient sur ce projet innovant :

Pouvez-vous nous présenter le rôle de Cap Métiers et ses missions ?

C’est une association loi 1901 qui est financée à 100% par des fonds publics, à savoir à 65% par la région et 35% par l’État. La mission de départ est celle d’un Carif-Oref. Historiquement, dans les 22 régions de France avant la fusion en 2015, il y avait un Carif (Centre d’Animation de Ressources d’Information sur la Formation) un Oref (Observatoire Régional Emploi Formation). C’est toujours le cas aujourd’hui dans les 13 régions et ce sont parfois deux entités séparées. On ne le sait pas assez, mais l’un des principaux budgets de la région Nouvelle-Aquitaine c’est la formation professionnelle, c’est en quelque sorte financer des parcours de formation, mais aussi parfois, rémunérer les personnes en cours de formation. La mission du Carif, c’est justement ’informer les professionnels sur la formation et l’emploi, notamment grâce à une base de données sur les formations existants. L’Oref, quant à lui, a pour mission d’analyser « où ça recrute », dans quelle zone, sur quels métiers, avec quelles compétences, quels niveaux de formation, etc. Pour pouvoir aider les élus et les services de l’État dans leurs décisions : dans tel domaine et dans zone, il peut y avoir un besoin de formation.

En Nouvelle-Aquitaine, c’est très spécifique, nous sommes également l’outil de préinscription : n’importe quel demandeur d’emploi qui se tourne vers un organisme d’accompagnement vers l’emploi (Pôle Emploi, Mission Locale, Cap Emploi,…) pour rechercher et trouver une formation va voir sa candidature transiter par une base de données appelée Rafael, que nous avons créée et que gérons. C’est assez unique en France.

Nous sommes aussi une agence régionale de l’orientation, nous avons aussi la mission d’informer le grand public, c’est-à-dire à tous les âges de l’orientation : du collégien en 4e qui se pose des questions, aux demandeurs d’emploi, en passant par les salariés en reconversion professionnelle.

Nous avons donc créé des outils assez singuliers : des expositions de découverte des métiers par le geste professionnel. On en a des petites de 28m2, des « coups de projecteur ». 16 qui permettent à 15 personnes pendant une heure de découvrir différents métiers sur un secteur. Nous avons aussi créé de grandes expositions de 150m2 sur des secteurs spécifiques. 6 d’entre elles permettent en 2h et pour 30 personnes de tester les métiers des énergies renouvelables, du bâtiment, de l’industrie aéronautique, du processus industriel, de l’agroalimentaire et depuis 2018 des métiers du numérique.

Comment est née cette idée de mise en place d’un escape game dans votre entreprise ?

Dès le départ, concernant ces projets d’expositions, Cap Métiers souhaitait « parler à tous les publics », en créant des outils assez ludiques pour les jeunes, mais pas uniquement pour que les adultes puissent aussi y adhérer facilement. Il fallait être un complément de ce qui existe déjà : de nombreuses vidéos, fiches métiers, interviews très bien réalisées existaient auparavant et existent encore. Mais, à quel moment on peut « toucher » les choses ? A quel moment on peut s’essayer à la maintenance d’une machine dans une usine, la création d’un objet dans un atelier, la pose de parpaings ? Jamais on ne peut vivre cette expérience-là facilement. Voilà pourquoi nous nous sommes lancés dans ces expositions et plus particulièrement vers le serious game numérique.
J’ai rencontré vers 2017 au moins trois interlocuteurs différents d’entreprises du numérique qui m’ont dit : « des développeurs, on n’en trouve pas, et quand on en trouve, c’est souvent le même profil : des garçons geeks, matheux et passionnés de jeux vidéo. C’est bien, mais c’est rare d’en trouver et on aimerait bien d’autres profils, d’autres façons de voir le monde et aussi intégrer des filles dans les équipes. »

Il y avait aussi un lot de préjugés à combattre, non, un développeur n’est pas fermé au monde comme Néo dans Matrix, premier volet. Il est, au contraire, en interaction permanente avec son équipe et il doit se mettre dans la peau de l’utilisateur final de son développement. En 2017, on parlait de plus en plus des escape games, et nous avions testé le principe avec des élèves en amont pendant les vacances, et sur les 11-14 ans, ça marchait bien. Et le mot « escape game » devant une exposition, ça devenait encore plus attrayant pour nos publics.

Concrètement, comment s’est déroulée la conception du serious game (en termes de temps, de moyens techniques et financiers) ?

A l’époque, 2 chargées de mission étaient dédiées à la création des expos dans mon équipe, avec deux régisseurs techniques qui travaillaient aussi sur de la production et création d’ateliers, mais aussi les mises à disposition sur le terrain toute l’année. Donc comme nous ne pouvons pas tout faire, nous avons lancé des appels d’offres sur des marchés publics. Nous avons travaillé en deux temps : un premier appel d’offre sur un scénario et des hypothèses sur des ateliers liés au numérique. Ce marché a été remporté par une entreprise parisienne et nous a permis d’imaginer les grandes lignes de l’histoire du jeu ainsi que les principes d’ateliers.
Nous avons ensuite rédigé un second cahier des charges pour « créer concrètement le jeu », avec une double contrainte : on voulait créer les deux versions d’expositions en même temps (28m2 et 150m2, ndlr) avec un budget total de 200 000€. Il a donc fallu rédiger tous les lots : graphisme, impression, scénographie, construction, conception multimédia, etc. Et notre jury a choisi différents acteurs à Paris et Toulouse, et Spiral à Pau pour la partie gameplay et numérique.

Qu’en ont pensé les participants ? Quels impacts le serious game a eu sur leur motivation et leur orientation ?

C’est très difficile pour nous de savoir ça. Car la difficulté serait de savoir ce qui se passe dans la tête d’un adolescent de 14 ans quand il visite une de nos expos, et comment cette nouvelle vision des métiers qu’il a eue va germer dans son esprit durant la dizaine d’année qui suit…

En 2013, nous avons demandé à des chercheurs du Céreq d’analyser notre activité pour entrevoir ses impacts sur les personnes : une enquête a été menée et a révélé des chiffres très positifs. Parfois, ce sont d’autres signes qui nous renseignent, outre les livres d’or que nous laissons à disposition des visiteurs et qui fourmillent d’informations sur l’évolution des préjugés concernant ces métiers après une de nos expos. Par exemple, on sait qu’en 2014, à la suite de notre exposition sur l’agro-alimentaire à Hagetmau, dans les Landes, la Région nous a informé de la recrudescence de personnes partant en formation dans le secteur.

Nous avons proposé l’escape game sur les métiers du numérique, à Cap Métiers, dans nos locaux de Pessac, en Gironde, de décembre 2018 jusqu’à juin 2019. Nous avons reçu 2 000 visiteurs, ce qui fait pas mal de classes et de groupes, quand on sait qu’on ne peut en accueillir que deux par jour. On a eu des collégiens, des demandeurs d’emploi, des classes Ulis et même des jeunes de 1ère bac pro numérique. Et certains enseignants en sortant nous ont dit « je pense que mes élèves ont enfin expérimenté ce que je leur répète, l’importance de travailler en groupe, de communiquer et de lire une consigne » grâce à l’exposition. Nous avons donc eu des retours très positifs.

Enfin, quels conseils donneriez-vous à une entreprise qui hésiterait encore à proposer un serious game ?

Je considère que c’est un produit très singulier, je leur dirais de foncer. Ce qui est sûr c’est que plus on met de numérique, plus c’est complexe, plus c’est fragile. C’est compliqué d’avoir quelque chose d’itinérant, de facilement transportable et de ludique. Il faut travailler avec quelqu’un qui peut vraiment maîtriser la totalité du projet pour éviter les effets de bords entre les prestataires. Il faut une chefferie de projet très solide. Ce jeu a représenté l’un des projets les plus complexes de ma carrière. C’était une très belle expérience. L’équipe de Spiral a été au rendez-vous, avec des gens sur qui on peut compter, aux compétences très complémentaires. Je ne peux que les recommander, même si le code des marchés publics remet toujours en jeu les prestataires à chaque projet.

Retrouvez ci-dessous notre vidéo sur le sujet

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